Contemporain

La délicatesse du homard

La délicatesse du homard est une histoire touchante et pleine de sensibilité, qui narre la rencontre entre deux personnes « abîmées » par la vie. Un titre qui en dit long sur le roman, plein de tendresse et de délicatesse…


La délicatesse du homard
La délicatesse du homard, de Laure Manel
Michel Lafon | Mai 2017
352 pages

François, directeur d’un centre équestre en Bretagne, découvre, lors d’une promenade à cheval sur la plage, une jeune femme inconsciente au pied d’un rocher. Plutôt que d’appeler les secours, il décide sans trop savoir pourquoi de la ramener chez lui pour la soigner. A son réveil, l’inconnue paraît en bonne santé, mais peu encline à parler. Elle dit s’appeler Elsa mais refuse de répondre à ses questions. Commence alors entre le célibataire endurci et cette âme à vif une étrange cohabitation, où chacun se dévoile peu à peu à l’autre sans pour autant totalement révéler les secrets qui le rongent. Et même si le duo en s’apprivoisant s’apaise, leur carapace peine à se fendre… Qui est Elsa et quelle vie est-elle en train de fuir ?


Je suis facilement entrée dans le récit, appréciant la découverte des personnages principaux. Elsa fuyant son passé et son identité, est renfermée, silencieuse et complètement perdue. Au départ, elle se contente de rester dans la chambre qu’on lui a prêtée, sans dialoguer et remercier son sauveur, François. On devine alors qu’un mystère fort l’entoure. Mystère que l’on découvrira plus tardivement, et qui s’est révélé inattendu et bouleversant. François de son côté, mène sa vie mais n’en porte pas moins des cicatrices. Leur rencontre va les amener à se dévoiler, au fur et à mesure, avec pudeur et timidité. J’ai beaucoup aimé cette première partie du roman où les deux personnages se découvrent. Chacun a ses fissures, ses doutes, ses peurs. Mais peu à peu, leur sensibilité va les rapprocher de plus en plus. Ils tentent tous les deux de se reconstruire, l’un grâce à l’autre. Ils vont s’apprivoiser, apprendre petit à petit à communiquer, à apprécier la présence de l’autre. Leur histoire d’amour est intense, mature et loin d’être niaise.

« Nous ne prenons aucun engagement l’un envers l’autre. Je te propose juste de surfer sur la vague, de se laisser glisser et peut-être emporter, de lâcher prise ensemble et de ne pas se braquer si un peu de bonheur vient frapper à notre porte . C’est tout. »

J’ai eu un peu de mal avec Elsa au début du roman. On se demande si elle va réussir à briser cette carapace. Complètement fermée, il est difficile de la cerner et son attitude est impolie par rapport à la gentillesse de son hôte. Néanmoins, j’ai aimé suivre son évolution car peu à peu, elle va s’ouvrir et se laisser aller. Elle va reprendre goût à la vie, apprendre à surmonter ses peurs et à les affronter, notamment grâce à l’équithérapie et la présence de Patrick et François. Elsa est touchante, d’autant plus que sa vie n’a pas été un long fleuve tranquille. Son passé est fait d’horreurs et le fait qu’elle arrive finalement à se reconstruire après toutes ces épreuves la rend attachante. Dans le mensonge et les non-dits, se cachent une vraie sincérité, et un besoin vital d’être en paix avec elle-même. Je pense qu’il faut beaucoup de courage pour y parvenir et avoir beaucoup d’espoir en l’avenir.

« Je ne suis rien… pour quiconque, et ce depuis toujours. Je ne compte pas. Je n’ai jamais compté, je n’étais pas assez, ou bien j’étais trop… mais jamais comme il l’aurait fallu. Jamais. Je suis au monde, mais je ne suis rien. J’existe mais je ne vis rien. Et ici, dans cet univers reculé où j’ai choisi d’échouer, je suis, encore une fois, une moins que rien, celle qu’on ne retient pas, qui ne compte pas. Invisible, aussi inutile et transparente que l’écume foulée par les sabots d’un cheval. »

J’ai plus apprécié François qui s’est révélé davantage humain. Je l’ai d’abord trouvé très tendre et attentionné envers Elsa. Sa gentillesse, son honnêteté et sa générosité transpercent le récit. Surtout face aux barrières que lui met Elsa ; sa patience est surprenante ! En revanche, j’ai été dérangée par certaines de ses réflexions dans la seconde partie du roman, notamment lorsque les personnages commencent réellement à se rapprocher, et lors de leur intimité. Je l’ai trouvé maladroit et pas du tout délicat. Il avait des pensées plutôt machistes et une façon de se rapprocher d’Elsa qui était déroutante et contredisait totalement avec la douceur que j’avais appréciée au début de la lecture. Ce qui fait de lui un personnage complexe, mais aussi plutôt crédible quand on y pense.

Autour de ces deux héros, il y a plusieurs personnages qui sont restés beaucoup trop secondaires. L’entourage aurait mérité d’être plus développé. Je pense surtout à Patrick, que j’ai trouvé très attachant et bienveillant. Son rôle est bien plus important que sa place accordée dans le récit. Il aide, selon moi, nos deux écorchés vifs dans leur reconstruction personnelle.

Laure Manel nous offre une écriture fluide et agréable, des chapitres courts avec une alternance des points de vues entre les deux protagonistes. Cela donne du rythme à l’histoire, permet de donner du réalisme et d’adhérer à la psychologie de ces derniers. Cela nous aide à mieux comprendre leurs sentiments. On s’attache à eux, à leur vécu, à leur espoir. Les émotions sont transcrites de façon réaliste. L’histoire n’est pas spécialement originale, on voit facilement où cela va nous mener. Cependant le déroulement est un peu différent de ce qu’on peut voir habituellement. Pour une fois, on n’est pas de le schéma du « Je t’aime, moi non plus. ». Et à mon sens, c’est là que Laure Manel réussit le pari de créer une belle alchimie entre ces personnages non gâtés par la vie. On s’attache petit à petit à ce couple qui n’en est pas un au départ. On espère qu’ils pourront se délivrer de leurs maux et qu’une nouvelle vie pourra leur apporter le bonheur dont ils méritent.

« Il faut faire table rase du passé et se concentrer sur le présent, avant même d’envisager un avenir. La seconde qui suit chaque seconde est déjà l’avenir, et tu le tisses sans même t’en rendre compte. »

Ce roman est bouleversant et salutaire, par les sujets forts qu’il aborde : la reconstruction de soi, la résilience, mais aussi les secrets familiaux, le deuil ou le simple fait d’être parent. Cette histoire tout en douceur donne un message d’espoir qui nous encourage à nous relever face aux pires situations que l’on peut vivre. Elle permet de mettre un peu de lumière, et nous rappelle que tout est possible même quand la confiance semble perdue. Il faut se laisser porter par ce que la vie nous propose de vivre. J’ai beaucoup aimé le contexte de l’histoire, qui donne une place rassurante et très plaisante avec les chevaux, la mer, et donne envie de découvrir la Bretagne et ses jolies plages.


Note : 4 sur 5.

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