L’échange est un livre qui commence doucement, mais qui nous entraîne grâce à sa plume agréable, en répandant progressivement le doute et l’angoisse. Le rythme et les révélations s’accélèrent plutôt dans la seconde moitié de l’histoire.

Editions France Loisirs | Juin 2018
320 pages
∇ Quand Caroline et Francis reçoivent une offre pour échanger leur appartement de Leeds contre une maison en banlieue londonienne, ils sautent sur l’occasion de passer une semaine loin de chez eux, déterminés à recoller les morceaux de leur mariage. Mais une fois sur place, la maison leur paraît étonnamment vide et sinistre. Difficile d’imaginer que quelqu’un puisse y habiter. Peu à peu, Caroline remarque des signes de vie, ou plutôt des signes de sa vie. Les fleurs dans la salle de bain, la musique dans le lecteur CD, tout cela peut paraître innocent aux yeux de son mari, mais pas aux siens. Manifestement, la personne chez qui ils logent connaît bien Caroline, ainsi que les secrets qu’elle aurait préféré garder enfouis. Et à présent, cette personne se trouve chez elle… ∇
Sans en faire des tonnes au niveau des retournements de situation, L’échange arrive pourtant à surprendre le lecteur à plusieurs reprises. Il y a peut-être quelques exagérations parfois dans les attitudes et les réactions des personnages, mais au moins toutes les questions trouvent leurs réponses, et elles sont beaucoup plus nombreuses que ne le laisse suggérer le début du roman. En effet, ces dernières ne seront pas toujours celles auxquelles on aurait pu nous attendre.
Personnellement, j’adore ce style d’écriture qui donne voix à plusieurs personnes. Ici, pas moins de trois personnes nous livrent leurs ressentis, ce qui a pour effet de dynamiser l’intrigue. Rebecca Fleet se focalise principalement sur les personnages de Caroline et de Francis, qu’on va suivre par alternance dans leur passé ou lors de leur semaine de tentative de réconciliation. C’est un roman qui ne joue pas sur l’empathie vis à vis des personnages. Caroline est particulièrement égoïste, à la limite de l’égocentrisme. Son personnage a tendance à agacer et pourtant, la curiosité nous pousse à continuer pour savoir tout ce que son passé révélera d’elle. Et le résultat est toujours le même : cette femme ne pense qu’à elle. On comprend vite que le mal qu’elle fait à son entourage a peu d’importance pour elle, du moment qu’elle en est préservée. Elle a constamment besoin d’être le centre du monde de quelqu’un. Je suis juste déçue que l’auteure ne creuse pas la psychologie des autres personnages, notamment celle du mari. On ne saura jamais pourquoi Francis est dépendant aux médicaments. On ne comprend pas pourquoi ce couple reste ensemble, tant il n’y a rien entre eux.
« S’il se réveille en sursaut en pleine nuit, j’en ignore la raison. Je n’arrive plus à lire en lui comme autrefois. Avant, je devinais facilement ses pensées. A présent, son esprit est devenu une forteresse. Je passe mon temps à fouiller l’obscurité à la recherche d’une clé introuvable. »
Nombreux sont les flash-back, plusieurs années vont être parcourues au fil du récit. Entre 2012 et 2015, la vie de Caroline va se trouver marquée par des choix qu’elle devra assumer. Elle va être à un tournant décisif, et nous allons découvrir ce pan de vie. Les vies, les portraits de chacun, vont se dessiner progressivement, pour nous faire comprendre ce qui les a tous amenés jusque-là. Le lecteur comprendra petit à petit, pourquoi le couple se retrouve à recoller les morceaux et découvrir surtout la personne qui est derrière tous ces mystères. Mais, avec un peu de recul, je suis incapable de dire si cette fin m’a donné satisfaction.
Bien que ce roman n’ait pas été un grand coup de cœur, sa lecture a été agréable. J’ai aimé ce roman, en grande partie pour l’analyse et l’ambiguïté des relations. Même si j’aurais préféré quelque chose d’un peu plus tordu qu’une romance qui tourne mal. Cependant, Rebecca Fleet maîtrise parfaitement les codes du thriller psychologique, et sait bien y faire pour instaurer le doute et surprendre son lecteur.
« Sois à l’écoute de tes émotions, et ensuite, envoie-les se faire foutre… »